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Tayush ou le vivre ensemble

Nadine Plateau

 

 

Discriminations et racismes

 

Prise dans la mondialisation néo-libérale et ses effets collatéraux – crises à répétition, détricotage progressif de l’Etat social (là où il existe), installation d’un chômage structurel massif et surtout creusement des inégalités de niveaux de vie –, l’Europe est aussi confrontée aux discriminations pesant, partout, sur les minorités issues de l’immigration. Toutes les données aujourd’hui disponibles, quantitatives et qualitatives, montrent qu’en particulier les groupes issus de l’immigration maghrébine, turque et subsaharienne se voient restreindre l’accès tant au marché du travail qu’au logement ou à l’éducation.

 

Mais ce qui prend actuellement une nouvelle dimension, ce sont les formes diverses de xénophobie qui imprègnent les rapports sociaux entre populations majoritaire et minoritaires. En particulier, depuis un quart de siècle, une forme nouvelle de racisme a peu à peu envahi l’espace public sans toutefois que disparaissent les racismes antisémite, antinoir et antirom. Cette forme nouvelle, c’est l’islamophobie, un racisme désormais qualifié de culturel, un racisme sans race, qui naturalise la culture. Ce racisme a un double effet : d’abord faire l’impasse sur les rapports de force et dans la foulée occulter les inégalités socio-économiques réelles ; ensuite entretenir l’idée de supériorité de la culture occidentale et de ses valeurs dites universelles sur l’islam. Celui-ci serait une religion arriérée qui maintient les femmes dans la subordination et rejette l’homosexualité.

 

Que les questions de culture et d’identité soient actuellement surinvesties par rapport aux questions socio-économiques ne constitue pas une raison pour les évacuer. Particulièrement préoccupante est la tendance actuelle à l’“ethnicisation des représentations sociales et des rapports sociaux”(1) qui consiste à recourir à des attributs qualifiés d’ethniques au sein de processus de différenciation sociale. Via des mécanismes de ségrégation et de discrimination, les populations issues de l’immigration sont catégorisées sur base de critères ethnico-culturels et assignées à des places subalternes. Face à ces nouvelles formes de racisme et de discriminations, la société civile reste divisée et peine à arriver à un consensus pour les combattre. Or il y a urgence car les discours et les pratiques racistes ne font que renforcer le mal-être ensemble basé sur la peur et le rejet, qui viennent s’ajouter à des conditions socio-économiques insoutenables pour les citoyen-ne-s de deuxième zone. L’enjeu est de taille puisque c’est la possibilité même de construire un monde commun dans notre société qui est menacée.

 

Les mots & l’agir

 

C’est dans ce contexte qu’en 2010 naît un petit groupe à l’initiative de quelques personnes, jeunes et moins jeunes, de statut aisé ou précaire, les un-e-s d’origine belgo-belge ou presque, d’autres issu-e-s d’une immigration plus ou moins récente. Bien que clairement situé-e-s différemment dans ce qu’on nomme les rapports de classe, de sexe et de race, ces hommes et ces femmes partagent une même volonté de recréer la citoyenneté et le vivre ensemble. D’où le choix du nom Tayush, mot issu de l’arabe classique Ta’ayush qui signifie coexistence ou vivre ensemble (2).

 

Le groupe depuis s’est agrandi, rejoint par celles et ceux qu’un sentiment d’urgence pousse à résister et à inventer dans le contexte actuel. Parmi les formes nouvelles d’exclusion et de discriminations dénoncées par Tayush, certaines ne sont pas toujours perçues comme telles, non seulement par des gens d’extrême droite ou des racistes, mais aussi par des progressistes.

 

C’est ainsi que des interdits portent sur des pratiques culturelles et ou religieuses tout en se justifiant de principes d’égalité et de neutralité. Pourquoi, nous sommes-nous demandé, une telle fixation sur le voile islamique et un tel clivage à propos de son interdiction ? Pourquoi un morceau de tissu semble-t-il à ce point lourd de symbole qu’il a fallu (qu’il faudrait toujours) réglementer et légiférer ? Comment, dans le contexte d’islamophobie croissante, enrayer cette spirale infernale faite de peur mutuelle et de repli

identitaire de part et d’autre ?

 

C’est à ce comment que Tayush s’est attelé. “Groupe de réflexion pour un pluralisme actif qui reconnaît l’apport des différences culturelles, accepte et valorise leur inscription dans l’espace public et travaille à leur intégration réciproque” (3), telle est la définition lapidaire incluse dans sa carte de visite.

Le groupe est constitué de personnalités singulières, aux appartenances multiples et aux projets divers qui se rencontrent et forcément s’affrontent dans l’espace ouvert par Tayush. Un espace tout à fait particulier en ce que l’affrontement ne se coule pas dans le moule asymétrique des rapports de

force et qu’il n’aboutit pas à la mise à mort que ce soit d’une pensée ou d’une identité. Un espace où chaque personne crédite l’autre d’avoir des choses importantes à lui dire, où elle accepte que ces choses puissent la tarabuster, où l’interpellation se fait à égalité dans la conviction que l’on peut et doit apprendre des autres. Bref, un espace où les divergences peuvent être solidaires (4). Quand un homme ou une femme se sent en désaccord avec d’autres parce que les expériences ou les perceptions de vie divergent, c’est cette dissonance même qui fait surgir de l’inattendu, du nouveau et qui permet

de repenser et de refaire les relations entre personnes et avec le monde. Les divergences jouent ici un rôle de première importance, elles permettent d’ouvrir des questions, d’élargir l’espace et de se rendre compte de la nécessité des alliances. Elles deviennent alors solidaires.

 

On peut qualifier l’espace généré par Tayush de politique parce qu’il est un creuset où se tisse un réseau, où se construit quelque chose de collectif, un nous qui déjà travaille, à sa modeste échelle, à transformer le monde non pas en fonction d’une représentation partagée d’un monde idéal mais à partir de la vie de tous les jours et des problèmes concrets qui affectent chacune des individualités du groupe. Nous avons besoin d’air pour penser, de temps pour nous apprécier. Nous avons besoin d’écoute, d’attention, de générosité et de bienveillance pour devenir solidaires. Avec Tayush, le vivre ensemble

commence ici et maintenant… et c’est un agir.

 

Les défis du pluriel

 

Le recueil de textes présentés dans cet ouvrage témoigne du cheminement individuel et collectif des auteur-e-s au sein de l’espace Tayush où chacun-e ayant une expérience unique, a pourtant été affecté-e par les autres. Si les membres de Tayush se rejoignent dans un même engagement pour l’antiracisme,

le féminisme et la laïcité, ils et elles gardent toute leur singularité. C’est là que la composition plurielle de Tayush s’avère d’une importance capitale. Qu’il s’agisse de la réalité du racisme ou de celle de la multiculturalité ou encore de la laïcité de nos institutions, la perception de ces réalités se fait à partir de points d’ancrage divers et aussi de positions multiples dans les rapports humains, ce qui force à constamment changer de point de vue et à voir les choses à partir de différentes perspectives. Le fait que les contributions s’enracinent dans l’expérience et l’engagement individuel n’exclut pas, bien au contraire, la capacité de distance critique. La subjectivité contrôlée, présente dans les contributions à cet ouvrage, est le meilleur garant de distance par rapport à l’objet d’étude. Elle génère aussi des hypothèses novatrices. Et ouvre sur de nouvelles approches de notions et de réalités souvent figées par le sens commun.

 

Le titre du recueil s’applique aussi bien aux contributions qui le composent qu’au groupe dont il se revendique ou encore à ce qui lie les composantes du groupe. En effet, Les défis du pluriel suggèrent que construire une “société inclusive pratiquant le pluralisme actif”1 comme le souhaite Tayush, ne se fera

pas sans mal. Cette modalité du vivre ensemble reste encore à inventer et il faut l’inventer avec toutes les personnes de cet ensemble et pas sans certaines catégories d’entre elles. Si le vivre ensemble doit se comprendre comme le respect des singularités individuelles et collectives et non pas comme le vivre

ensemble de multiples mêmes – c’est-à-dire de personnes qui, quelles que soient leur expérience, leur position sociale, etc., se ressembleraient, partageraient les mêmes valeurs, la même culture –, alors il exige bien plus que l’accès réel de toutes et tous aux droits et devoirs dans notre société.

 

Le vivre ensemble implique que toutes les personnes issues de groupes majoritaire et minoritaires, se manifestent dans l’espace public et y discutent d’égal-e à égal-e (dialoguent) pour résoudre dans la pratique les problèmes auxquels elles sont confrontées. La société plurielle que nous appelons à

naître, n’est pas le résultat d’un projet mis au point qu’il suffirait de mettre en œuvre puis d’évaluer, mais d’une action politique commune, d’un cheminement collectif, d’un travail permanent d’élaboration – dans les mots et l’agir – de la démocratie.

 

Ce souci du cheminement collectif se manifeste clairement dans la forme choisie pour ce premier livre du collectif Tayush : non pas celle d’un manifeste ou d’une position longuement élaborée en commun, mais l’articulation d’une série de réflexions qui n’engagent chacune que leur auteur-e, même si dans l’esprit, évidemment, elles convergent.

 

Le féminin dans la langue

 

Tayush a, dès sa création, exprimé son engagement féministe qui va activement de pair avec son combat contre toutes les formes de discrimination. La question de la langue, hautement symbolique, est évoquée dans son texte de base. Tout en reconnaissant que chaque personne a son langage singulier, nous avons relu et modifié les textes en accord avec leurs auteur-e-s de manière à rendre visible le féminin trop souvent occulté dans le langage quand par exemple le mot hommes pris dans un sens générique empêche que l’on se souvienne que la moitié de ces hommes sont des femmes qui ont été et sont encore dominées dans les sociétés patriarcales. En d’autres termes, si vous rencontrez le mot travailleurs dans une des contributions, vous saurez que sont visés les seuls travailleurs masculins, sinon ces mots

seraient automatiquement accompagnés de travailleuses. Il s’agit là d’une forme d’intervention féministe, destinée à attirer l’attention des lecteurs et lectrices sur le fait de la présence/non présence des femmes dans notre culture. Une action positive en quelque sorte, par définition transitoire en

attendant que des transformations profondes se produisent, en particulier que la présence des femmes comme celle de tous les groupes minorisés soit véritablement actée et reconnue dans sa dimension productrice de culture. En cela, la lutte contre le sexisme rejoint celle contre le racisme : une lutte

contre un système de domination qui assigne des groupes à des essences supposées dans le but de les inférioriser. Le combat des féministes pour une citoyenneté inclusive fait aujourd’hui sens pour d’autres catégories que les femmes : ce sont tous les groupes minorisés, stigmatisés qui veulent participer

à la construction d’un monde commun. À cet égard, tout le travail de Tayush, qu’il s’agisse de conférences, de manifestations diverses ou encore des articles présentés dans cet ouvrage, témoigne de la volonté du groupe d’assurer, dans son expression publique, une réelle pluralité de ses représentant-

e-s : hommes et femmes, issu-e-s et non issu-e-s de l’immigration.

 

Egalité, diversité, laïcité

 

Ces notions ont été interrogées tout au long des réunions de Tayush et à l’occasion d’actions diverses (conférences publiques, cartes blanches, participation à des manifestations, etc.). Dans les contributions à cet ouvrage, elles sont d’abord mises à l’épreuve du terrain, essentiellement l’école et le travail, puis revisitées dans une perspective de transformation sociale. Les premiers chapitres ne se contentent pas de décrire les faits révélateurs des inégalités, ils posent des hypothèses inhabituelles ou proposent des alternatives à partir du terrain, ou encore pointent les ambiguïtés de concepts utilisés en politique

lorsqu’on les confronte à la réalité de l’expérience des gens. Quel que soit le domaine envisagé, l’enseignement ou l’emploi, il s’agit de voir comment dans ces champs du social des mécanismes discriminants vont de manière effective à l’encontre de l’égalité, menacent le respect de la diversité et limitent le principe de laïcité. Il s’agit de repérer aussi où surgissent les lieux d’innovation politique et cela à partir d’ancrages divers. Ce n’est donc pas un hasard si un même thème parcourant plusieurs articles est à chaque fois abordé de manière spécifique. Ainsi, la question du port du voile à l’école et au travail est-elle relue à partir de diverses expériences concrètes.

 

L’article d’Azzedine Hajji et Renaud David Maes met en perspective, d’une part pour l’enseignement obligatoire et d’autre part pour l’enseignement supérieur, deux dispositifs spécifiques d’accueil d’élèves d’origine étrangère. Il dévoile ainsi certaines modalités concrètes de production des inégalités scolaires : au-delà de l’origine étrangère commune de ces étudiant-e-s, ces dispositifs varient en fonction du statut social du public accueilli. De ce fait, l’article pose la question de l’articulation des questions sociales et raciales dans l’enseignement.

 

Enseignant lui-même, Michel Staszewski considère l’École comme un lieu crucial pour l’apprentissage du vivre ensemble dans une société devenue multiculturelle. Ce qui confère à cette institution une grande responsabilité en la matière. Responsabilité qu’elle assume mal aujourd’hui. L’auteur en analyse quelques-unes des raisons et propose des pistes pour que l’École devienne un lieu où la rencontre avec l’Autre soit vécue positivement. Quant au monde du travail, en dépit des dispositions législatives et des

politiques de diversité, il reste marqué par des inégalités comme le confirme l’outil statistique décrit par Albert Martens, récemment mis au point pour déceler les inégalités fondées sur l’origine ethnique dans l’accès et la qualité de l’emploi de travailleurs et travailleuses.

 

Ce sont précisément les politiques publiques focalisées sur la richesse de la diversité qu’Irène Kaufer et Gratia Pungu mettent à l’épreuve du terrain en montrant que les discriminations réelles subies par les actrices et les acteurs résultent du système de domination qui parcourt les rapports sociaux, de sexe, de classe ou de race. Face à ce qui apparaît comme une incapacité des pouvoirs publics à articuler la lutte contre les discriminations et l’ouverture à la multiculturalité, une alternative pourrait consister à adopter une méthode dite intersectionnelle : celle-ci permet de considérer que les discriminations multiples (sur base du sexe, de l’origine, du handicap, etc.) ne se cumulent pas mais interagissent, formant pour les personnes qui les subissent un tout qui ne se réduit pas à la simple addition de ses parties.

Une deuxième série de contributions annonce le potentiel transformateur des pratiques sociales de personnes issues de l’immigration qui se manifestent désormais dans l’espace public aussi bien par la parole que par l’action que celle-ci soit individuelle ou collective.

 

Celle de Farida Tahar rend compte des stratégies de jeunes musulmanes visibles qui se posent en actrices de leur vie et s’adressent collectivement à la société, alors que celle-ci continue de les stigmatiser et de les considérer comme des victimes à protéger.

 

L’enquête de Younous Lamghari à la STIB (transports publics bruxelois) met à nu les rapports de force

au sein de cette entreprise entre les travailleurs (essentiellement les conducteurs masculins) et la direction. Certaines pratiques (concernant la religion), en principe réprimées par les règlements, y sont tolérées, certains principes (concernant la diversité) énoncés dans ces règlements sont contredits par les

pratiques, l’issue de la négociation semblant dépendre des rapports de force en présence (direction-travailleurs).

 

S’appuyant sur la théorie des minorités actives, Khadija Haourigui souligne la portée transformatrice des pratiques individuelles de personnes stigmatisées. Conscientes des discriminations qui les frappent, certaines jeunes femmes voilées parviennent à se faire embaucher en adoptant des styles de comportement singuliers. Elles déploient ainsi une créativité qui casse les stéréotypes et pourrait bien bousculer les mentalités.

 

La troisième série de contributions émane de personnes insatisfaites de l’usage des concepts d’égalité, de diversité, de neutralité et de laïcité et qui les revisitent à partir de leur cadre de pensée propre (sociologique, juridique, philosophique) pour les réinterpréter en fonction d’un contexte modifié, ce qui suppose d’écouter celles et ceux que notre démocratie maltraite ou exclut sur base de ces principes. À cet égard, l’expérience vécue par certain-e-s de formes (nouvelles ? voilées ?) de racisme est au cœur de la

réflexion à Tayush qui se donne pour but de repenser l’antiracisme.

 

Ouardia Derriche porte sur le concept de racisme un éclairage nouveau. Elle dénonce la confusion dont le terme est l’objet et met en avant la dimension essentiellement institutionnelle de la production et de la reproduction du racisme. Elle explicite pourquoi et comment le racisme persiste et se renouvelle. L’islamophobie constitue selon elle la figure majeure du racisme contemporain et comporte, autant que les autres figures du racisme, une dimension sexiste exacerbée.

 

La laïcité est questionnée par Marc Jacquemain. Il s’interroge sur la réinterprétation récente de la notion de laïcité dans un sens antireligieux, réduit essentiellement dans le contexte contemporain à une dénonciation de l’islam alors que les fondamentaux de la laïcité que sont la séparation, la neutralité

de l’Etat, la liberté de conscience et l’égalité sont porteurs au contraire de tolérance et de vivre ensemble.

 

Les rapports entre foi et raison sont au coeur de l’article de Paul Löwenthal. Celui-ci met l’accent sur l’humanisme profond qui unit les personnes croyantes et non-croyantes dans nos pays et qui peuvent être pareillement engagées pour servir l’Etat laïque. La raison et la sécularisation ne sont pas fermées à

des réalités non rationnelles, et la foi ne l’est pas à la raison. Et notre sécularisation n’est plus le rationalisme du XIXe siècle. À partir de nos racines communes, grecques, juives, chrétiennes et humanistes, notre raison raisonnante peut croiser ces humanismes, leurs compétences, leurs expériences et leurs engagements, et servir l’État laïque sans sacrifier sa neutralité.

 

Xavier Delgrange et Hélène Lerouxel font la distinction entre d’une part le droit qui structure l’État démocratique et est un allié de la liberté et d’autre part le même droit en prise avec les dérives de l’opinion publique que sont le sectarisme et la xénophobie. Il en ressort que le droit ne plane pas audessus des rapports de force sociaux, il en subit les pressions et évolue avec eux. Ainsi, dans le cas de la Belgique, considérée comme un modèle d’Etat qui consacre les droits fondamentaux au profit de toutes et tous ses justiciables, les crispations récentes sur les questions du foulard et de la burqa

font craindre que la belle mécanique législative ne se grippe.

 

Dessiner les contours d’un nouvel antiracisme, tel est l’objet de l’article d’Henri Goldman qui à partir du mouvement actuel et de ses manques propose neuf thèses pour orienter ce qu’il appelle un antiracisme de convergence élaboré avec les personnes racisées en toute autonomie par rapport au pouvoir politique et qui reconnaît l’islamophobie comme la forme principale du racisme actuel.

 

Enfin, Nicole Dewandre invite à renouer avec une forme de pensée qui accueille la différence, en se rappelant l’intimité du lien entre l’altérité et l’identité. Il faut se départir de l’hégémonie d’un rapport à l’autre comme objet, et d’un rapport à l’égalité désincarné. Reconnaître l’autre comme un autre soi, égal, unique et ayant besoin d’apparaître parmi ses pairs, dont je suis, pour accéder à son identité est le geste inaugural et fondateur qui rend possible un vivre ensemble basé sur une diversité inclusive.

 

La grande majorité des contributions se rapportent au terrain concret de la réalité belge francophone, celui de la Fédération Wallonie-Bruxelles comme on dit aujourd’hui. Loin de verrouiller la réflexion, cet ancrage local lui donne de la consistance et ouvre sur des perspectives renouvelées du comprendre

et de l’agir.

 

D’une part, nous avons voulu débusquer les pratiques discriminatoires multiples croisant classe, sexe et race. Nous y voyons une étape indispensable pour que la société civile prenne conscience et acte les nouvelles formes d’exclusion. Quand sont en jeu des rapports sociaux de domination qui apparaissent si naturels qu’ils ne sont pas questionnés, il faut alors déjà savoir pour voir.

 

D’autre part, nous avons tenté modestement de revivifier les concepts d’égalité et de laïcité qui se sont quelque peu vidés au cours du temps mais restent toujours susceptibles de pouvoir nous inspirer. Afin qu’en nous les appropriant de nouveau dans la démarche collective qui nous anime, ils

fassent sens pour tout le monde et deviennent vraiment universels. 

 

 

1   J’emprunte ce concept à de Villers J. (2011), Arrête de me dire que je suis Marocain. Une émancipation difficile, Editions de l’Université de Bruxelles, Bruxelles, p. 147.

 

2   C’est aussi le nom choisi par un mouvement pacifiste judéo-arabe en Israël-Palestine.

 

3   Voir ici

 

4  J’emprunte cette notion de “divergences solidaires” à Maria Puig de la Bellacasa, Politiques féministes et construction des savoirs, L’Harmattan, Paris, 2012.

 

 

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